Quelles sont les obligations des États en matière de changement climatique ?
- Didier Guenin
- 24 juil.
- 4 min de lecture

La Cour internationale de justice a examiné les questions posées par l’Assemblée générale de l'ONU et repondu cette semaine à l'unanimité des juges (ce n'est que la 5ème fois qu'un tel avis est rendu à l'unanimité) concluant ce qui suit, précisant que toute violation de l’une quelconque des obligations ci-après définies constitue de la part d’un État, un fait internationalement illicite engageant sa responsabilité.
Les traités relatifs aux changements climatiques imposent aux États parties des obligations contraignantes relativement à la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre.
Ces obligations sont, entre autres, les suivantes :
️ Les États parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ont l’obligation d’adopter des mesures en vue de contribuer à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et à l’adaptation aux changements climatiques ;
️ Les États parties figurant à l’annexe I de la convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques ont en outre l’obligation d’être à l’avant-garde de la lutte contre les changements climatiques en limitant leurs émissions de gaz à effet de serre et en renforçant leurs puits et réservoirs de gaz à effet de serre ;
️ Les États parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ont le devoir de coopérer les uns avec les autres pour atteindre l’objectif sous-jacent fixé par la convention ;
️ Les États parties au protocole de Kyoto doivent se conformer aux dispositions applicables
de celui-ci ;
️ Les États parties à l’accord de Paris ont l’obligation d’agir avec la diligence requise en
prenant, conformément à leurs responsabilités communes mais différenciées et à leurs capacités respectives, des mesures permettant de contribuer de manière adéquate à atteindre l’objectif de température énoncé dans l’accord ;
️ Les États parties à l’accord de Paris ont l’obligation d’établir, de communiquer et
d’actualiser des contributions déterminées au niveau national, successives et progressives,
qui, notamment, prises ensemble, permettent d’atteindre l’objectif de température consistant
à limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels ;
️ Les États parties à l’accord de Paris ont l’obligation de prendre des mesures permettant
d’atteindre les objectifs énoncés dans leurs contributions déterminées au niveau national
successives ;
et️ Les États parties à l’accord de Paris ont des obligations d’adaptation et de coopération, y compris par des transferts de technologie et des transferts financiers, dont ils doivent s’acquitter de bonne foi.
Le droit international coutumier impose aux États des obligations relativement à la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre. Ces obligations sont, entre autres, les suivantes :
Les États ont l’obligation de prévenir les dommages significatifs à l’environnement en
agissant avec la diligence requise et de mettre en œuvre tous les moyens à leur disposition
pour empêcher que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur
contrôle causent des dommages significatifs au système climatique et à d’autres
composantes de l’environnement, conformément à leurs responsabilités communes mais
différenciées et à leurs capacités respectives ;
Les États ont le devoir de coopérer de bonne foi les uns avec les autres afin de prévenir les dommages significatifs au système climatique et à d’autres composantes de l’environnement, ce qui exige qu’ils mettent en place une coopération soutenue et continue lorsqu’ils prennent des mesures pour prévenir de tels dommages.
Les États parties à la convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone ainsi qu’au protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone et à son amendement de Kigali, à la convention sur la diversité biologique et à la convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la
sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique, ont l’obligation, en vertu de ces instruments, de protéger le système climatique et d’autres composantes de
Il résulte de ceci que les Etats responsables ont un devoir continu de s’acquitter de l’obligation à laquelle il a été manqué.
Les conséquences juridiques résultant de la commission d’un fait internationalement illicite peuvent inclure les obligations suivantes :
a) la cessation des actions ou omissions illicites, si elles se poursuivent ;
b) la fourniture d’assurances et de garanties de non-répétition des actions ou omissions illicites, si les circonstances l’exigent ; et
c) l’octroi d’une réparation intégrale aux États lésés sous forme de restitution, d’indemnisation et de satisfaction, sous réserve qu’il soit satisfait aux conditions générales prévues par le droit de la responsabilité de l’État, notamment qu’un lien de causalité suffisamment direct
et certain puisse être établi entre le fait illicite et le préjudice subi.
Pour mémoire le 29 mars 2023 l’Assemblée générale des Nations Unies avait adopté la résolution 77/276, par laquelle elle a demandé à la Cour internationale de Justice de donner, en vertu de l’article 65 du Statut de celle-ci, un avis consultatif sur les questions suivantes :
« a) Quelles sont, en droit international, les obligations qui incombent aux États en ce
qui concerne la protection du système climatique et d’autres composantes de
l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre pour les
États et pour les générations présentes et futures ?
b) Quelles sont, au regard de ces obligations, les conséquences juridiques pour les États
qui, par leurs actions ou omissions, ont causé des dommages significatifs au système
climatique et à d’autres composantes de l’environnement, à l’égard :
i) Des États, y compris, en particulier, des petits États insulaires en
développement, qui, de par leur situation géographique et leur niveau de
développement, sont lésés ou spécialement atteints par les effets néfastes des
changements climatiques ou sont particulièrement vulnérables face à ces
effets ?
ii) Des peuples et des individus des générations présentes et futures atteints par
les effets néfastes des changements climatiques ? »
La demande d’avis consultatif a été transmise à la Cour par le Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies par une lettre datée du 12 avril 2023. Pendant la phase écrite de la
procédure, 91 exposés écrits et 62 observations écrites ont été déposés au Greffe par des États et des
organisations internationales. Pendant les audiences publiques que la Cour a tenues
du 2 au 13 décembre 2024, 96 États et 11 organisations internationales ont présenté des exposés oraux. Il s’agit du plus haut niveau de participation à une procédure, tant dans l’histoire de la Cour que dans celle de sa devancière, la Cour permanente de Justice internationale.
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