Le dernier classement annuel « DEMOCRACY INDEX 2020 » est paru. Il mesure pour les 167 principaux pays de la Planète le degré de démocratie selon 4 niveaux :
· Les démocraties accomplies
· Les démocraties imparfaites
· Les régimes hybrides
· Les régimes autoritaires
La moitié des pays (85) sont réputés démocratiques parmi lesquels seuls 23 sont qualifié de pleine démocratie. Et un tiers (57) sont qualifiés de régimes autoritaires.
La France, notamment du fait de la manière hyper centralisée dont le Président de la République gère la crise du Covid19 (selon les auteurs de cette étude), se voit déclassée dans les démocraties imparfaites.
La pandémie a mis les différents pays à rude épreuve, questionnant de manière très directe la façon dont les pays pratiquaient la démocratie, associant ou pas les citoyens directement ou via les corps intermédiaires à la prise de décision. Ainsi un certain nombre de pays voient leur notation dégradée sur la manière dont ils ont réussi à conjuguer les actions de prévention sanitaire avec la préservation des libertés individuelles et la praxie gouvernementale.
Sur le long terme, si l’engagement politique des citoyens connait sur les douze dernières années une évolution favorable, le fonctionnement démocratique des gouvernements est orienté à la baisse (de 5.0 à 4.7) légère ainsi que le pluralisme et le fonctionnement électoral (6.1 à 5.8). Plus inquiétant les libertés individuelles civiles connaissent une forte érosion (6.4 à 5.5). Ceci ne peut que nous interroger sur l'évolution de nos sociétés et la place du citoyen.
La place croissante des réseaux sociaux et de l'information instantanée à redonné au sensationnel, aux petites phrases et aux émotions une place déterminante dans la communication politique. Cela favorise l'émergence d'hommes providentiels, on l'a vu avec Trump, Bolsonaro ou Orban. Sur le mode fantasque, polissé ou autoritaire on voit refleurir des dirigeants qui exhibent un ego sur dimensionné pour attirer par l'emphase les électeurs, Johnson, Macron, Erdogan illustrent cette réalité. La démocratie est la gestion du peuple par le peuple et repose sur une structure équilibrée de délégations de pouvoir. On en vient souvent à une gestion du peuple par un délégué adoubé par une partie du peuple. Car aux dérives populistes qui consistent à brosser l'électeur dans le sens de ses plus vils penchants, s'ajoute l'apathie d'une société de consommation qui se paupérise et où chacun se replie sur soi, se détournant de la chose publique et collective pour trouver refuge dans la sphère privée et s'immerger dans la gestion de ses propres problèmes, loin des tracas du monde anxiogènes. Il en résulte une participation électorale moindre et donc une surrepresentation accrue des voies pour les leaders visibles par leur excès.
Prenons l'exemple américain. Si Trump a bien été élu démocratiquement, sa pratique brutale du pouvoir, autocratique, dans le mépris des femmes, des minorités et plus largement de tous ceux qui n'étaient pas à sa botte, sa façon clanique de gérer les affaires, ont été une pratique antidémocratique.
Et pourtant à peine 3% séparent les deux candidats !!! C'est dire combien cette façon antidémocratique d'agir peut porter de fascination pour certains. C'est dire combien la détention du pouvoir déséquilibre les rapports de force. Trump aura été le plus emblématique, parce que le Président de la première puissance, mais il y a beaucoup d'autres Trump au pouvoir, de par le monde, a tous les étages du pouvoir, a la tête des échelons nationaux, régionaux, communaux. Combien d'hommes, ce sont souvent des hommes, se sont construits des espaces de pouvoir quasi inexpugnables et règnent en autocrates, privilégiant leur clan, pratiquant le clientélisme. Ce sont mis bout à bout ces accros plus ou moins importants à la démocratie qui mettent en péril notre démocratie. La plupart des dictateurs sont venus au pouvoir par la voie démocratique suivie d'une transgression plus ou moins subtile ou brutale.
Puisse cet exemple avorté d'un dérapage antidémocratique que constitue Trump nous faire réfléchir sur nos pratiques et nous conduire vers le 0 tolérance de ces dérives. Puisse cet exemple nous faire réfléchir sur les attentes de nos concitoyens, car si un Trump a émergé c'est aussi parce que des attentes légitimes du peuple n'avaient pas été entendues par les dirigeants.
Nos démocraties perdent la tempérance que le siècle précédent leur avait permis d'acquérir en réponse à l'abyme et à l'horreur de la dernière déflagration guerrière mondiale. Or la démocratie n'est pas un acquis. L'histoire nous apprend qu'elle est un moment instable. Il y a donc lieu de la cultiver pour la faire perdurer. Il faut réinventer les contre-pouvoirs, l'équilibre des pouvoirs, la place du débat, l'indépendance critique des médias, le rôle actif du citoyen.
La qualification des Etats repose sur une analyse en 60 points portant sur les processus électoraux (élections, élaboration des lois, financement de la vie politique…), le fonctionnement gouvernemental (équilibre des pouvoirs, position des militaires, corruption, confiance des citoyens…), l’implication des citoyens (taux de participation, égalité femme/homme, représentation des minorités, engagement citoyen…), culture démocratique (consensus social, place des experts, laïcité…) et libertés civiles (liberté des média, liberté d’expression, droit de pétition, indépendance de la justice…). Il ressort de ces soixante points une note sur 10. Les pleines démocraties ont une note supérieure à 8. Les régimes autoritaires ont une note inférieure à 4.
En 2020 les pleines démocraties sont : Norvège, Islande, Suède, Nouvelle Zélande, Canada, Finlande, Danemark, Irlande, Australie, Pays-Bas, Taïwan, Suisse, Luxembourg, Allemagne, Uruguay, Royaume-Uni, Chili, Autriche, Costa Rica, Maurice, Japon, Espagne, Corée du Sud.
En 2020 la Corée du Nord est le pays le moins démocratique avec une note de 1.08. Les 20 pays les plus autoritaires sont : Corée du Nord, République Démocratique du Congo, République Centre Afrique, Syrie, Tchad, Turkménistan, Laos, Guinée équatoriale, Tadjikistan, Yémen, Libye, Arabie Saoudite, Ouzbékistan, Burundi, Erythrée, Iran, Chine, Bahreïn, Soudan, Biélorussie.
Il y a urgence à réinventer nos pratiques démocratiques modernes si nous voulons que vive la démocratie, car celle-ci est fragile !
La crise de l'épidémie de Covid19 est un révélateur de l'état de nos démocratie.
Il est donc pertinent de tirer les enseignements de ce qui a fonctionné et de ce qui est un désastre dans la gestion de cette crise, car nous avons devant nous la crise du réchauffement climatique hélas plus terrible encore.
Nous y arriverons si nous faisons tomber les jougs nombreux qui cadenassent nos sociétés, notre agir individuel ou collectif, et nos modes de penser. Protégeons nous aujourd'hui et Inventons demain. Inventons une société juste, solidaire, fraternelle, respectueuse de la Planète et des Uns et des Autres dans leur diversité. Prenons fraternellement soin les uns des autres.
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